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23 novembre 2009 1 23 /11 /novembre /2009 11:35

 

 

CHARONIA lampas lampas L. : DU COQUILLAGE A L’INSTRUMENT SONORE

 

Paulette Pauc* et Jean-Marie Strangi**                                        

 

Résumé :

L’expérimentation montre qu’il est possible d’utiliser directement un Charonia lampas lampas endommagé par l’action marine, au niveau des premières spires, comme instrument sonore. L’irrégularité de la bordure nécessiterait une égalisation par abrasion et éventuellement une perforation de la columelle. La transformation d’un spécimen complet, par  raccourcissement au niveau des premières spires à l’aide d’une lame en silex puis d’une perforation de la columelle avec une pointe en silex est également plausible.

 

INTRODUCTION

 

Le Charonia lampas lampas Linné 1758, syn. C. nodifera Lamarck 1822, dont le nom vernaculaire est Triton à bosses, est un gastéropode marin de la famille des Ranellidae. Sa taille peut atteindre 40 cm de long. Selon l’âge il possède 7 à 8 spires.

Il existe fossile au Pliocène (Fontannes 1879-1882) et il vit actuellement à l’ouest de la Mer Méditerranée et, sur la côte atlantique, des Açores à la Manche. Les spécimens entiers de grande taille ont pu servir de contenant (Karali 1999). Des fragments de coquilles ont été perforés pour en faire des pendeloques (Moinat 2007). L’avant dernier tour de spire du coquillage a été employé comme bracelet (Mariéthoz 2007). L’idée de l’utiliser comme un simple instrument d’appel puis d’un instrument de musique est certainement venue à l’homme dès le Paléolithique. L'exemplaire de la couche aurignacienne de la grotte de Marsoulas en Haute-Garonne (Bégouen et al. 1933) a été envisagé comme un récipient pour boire par l’ouverture sommitale qui se serait polie à l’usage. Une nouvelle étude de cette pièce révèlera qu’elle a certainement été exploitée comme instrument sonore et/ou de musique car la cassure est située au bon emplacement.

La transformation expérimentale de la conque marine (figure 1) a été calculée à partir de l’observation d’objets archéologiques et ethnologiques.

 

1/ SUPRESSION DES PREMIERES SPIRES

 

Les parties en relief des coquillages, rejetés sur les plages, accusent fréquemment des usures et des fractures causées par l’action marine sur un fond sableux et un substrat rocheux. Les gastéropodes subissent principalement la cassure de l’apex et divers niveaux des premiers tours. La bordure des fractures est discontinue, brute ou émoussée selon le cas.

A partir de ces observations générales, serait-il possible de faire la distinction entre la fracture naturelle irrégulière d’un apex de Charonia, entre deux spires, et la fracture intentionnelle par percussion de l’extérieur vers l’intérieur qui provoquerait une bordure semblable (Deramaix 1992), pour reproduire un schéma naturel ?  Dans l’immédiat, il n’est pas possible de recourir à l’expérimentation, faute de coquillages entiers à disposition ayant les mêmes caractéristiques biométriques  que celles des éléments archéologiques.

La méthode employée sur un spécimen entier, par J-M. Strangi, a été celle du sciage au moyen de deux outils en silex entre la 5e et la 6e spires. Le travail a tout d’abord consisté à creuser, à l’aide d’un éclat lamellaire, une rainure régulière et peu profonde sur le pourtour jusqu’à ce que les deux extrémités se rejoignent (fig. 1). Cette opération préalable a permis d’éviter d’obtenir une gorge hélicoïdale. Le sciage a ensuite été repris à l’aide d’une lame en silex plus grande et moins fragile. Le travail effectué en deux temps a permis de scier facilement et très précisément le coquillage. La bordure de l’embouchure présente quelques aspérités (fig. 2). L’expérimentateur avait déjà utilisé cette méthode pour scier les épiphyses des os longs d'oiseaux, comme une Ulna de vautour par exemple, pour en faire des flûtes. 

Un autre procédé consisterait à scier le test, à l’aide d’une ficelle imprégnée de sable, entre deux tours, jusqu’à la séparation des deux parties.

2 / PREPARATION DE L’EMBOUCHURE

 

Expérimentalement, le coquillage peut fonctionner au premier stade de son raccourcissement naturel bien que cela provoque une gêne. Il est souhaitable de poncer la bordure du test, à l’aide d’un fragment de roche abrasive, afin d’égaliser l’embouchure. L’épaisseur irrégulière pourrait ensuite être polie avec un cuir imbibé de sable fin mouillé pour effacer la moindre aspérité. J-M. Strangi a, pour sa part, poncé l'embouchure avec une pierre de grès fin et l’a ensuite polie sur le pelage d’une peau (fig. 3). Le contact répété des lèvres sur l’embouchure entraînera une surface luisante.

 

3 / L’INSTRUMENT

 

En fonction de la taille du coquillage et de la manipulation de la personne, l’instrument émettra une sonorité particulière. La conque marine, devenue un instrument sonore, sert d’avertisseur pour différents motifs.

Des coquilles de Charonia de 9,1 cm  à 19 cm de longueur conservée, provenant de la grotte d’Arene Candide en Italie, ont été considérées comme des instruments de musique (Cortese et al. 2004). Le son émis par chaque coquillage a donné l’équivalent d’une note de musique précise. Du son à la musique : il est possible de moduler le son en pratiquant d’autres maniements pour en tirer quelques petites mélopées.

 

Bibliographie

 

Bégouen (Le Comte),  Russel J.-T. (1933) : La campagne de fouille de 1931 à Marsoulas, Tarté et Roquecourbère. Mission franco-américaine de recherches préhistoriques, éd. Privat, Toulouse, p. 4-19.

 

Cortese G. E., Del Lucchese A., Garibaldi P. (2004) : Charonia sp., uno strumento musicale del Neolitico ? Museo Tridentino di Scienze Naturali, Trento 2005, Prehistoria Alpina, Suppl. 1, Vol. 40, pp. 91-96.

 

Deramaix I. (1992) : La collection Siret à Bruxelles. 1. Néolithique et Chalcolithique. Monographie de Préhistoire générale 1, Musées royaux d'art et d'histoire, Bruxelles, 115 p.

 

Fontannes F. (1879-1882) : Les invertébrés du Bassin tertiaire du Sud-Est de la France. Les mollusques pliocènes de la vallée du Rhône et du Roussillon. Tome I, Gastéropodes des formations marines et saumâtres.

 

Karali L. (1999) : Shells in Aegean Prehistory, BAR International Series 761, 138 p.

 

Mariethoz F. (2007) : Variabilité des pratiques funéraires en Valais autour de 4000 av. J.-C. In : Moinat P., Chambon P. (Dir.), Les cistes de Chamblandes et la place des coffres dans les pratiques funéraires du Néolithique moyen occidental. Actes du colloque de Lausanne, 12 et 13 mai 2006. Lausanne : Cahiers d'archéologie romande / Paris : Société préhistorique française ; Cahiers d'archéologie romande, 110 / Mémoires de la Société Préhistorique Française, 43, pp. 265-276, 9 fig.

 

Moinat P. (2007) : Cistes en pierre et coffres en bois, inhumations simples et dépôts complexes : un bilan des pratiques funéraires à Vidy (Lausanne, Vaud) et à Chamblandes (Pully, Vaud). In : Moinat P., Chambon P. (Dir.), Les cistes de Chamblandes et la place des coffres dans les pratiques funéraires du Néolithique moyen occidental. Actes du colloque de Lausanne, 12 et 13 mai 2006. Lausanne : Cahiers d'archéologie romande / Paris : Société préhistorique française (Cahiers d'archéologie romande ; 110 / Mémoires de la société préhistorique française ; 43, pp. 195-220, 20 fig.


publié dans :

PAUC P., STRANGI J-M. 2009 :

Charonia lampas lampas L. : du coquillage à l’instrument sonore. Langage de pierre, La restitution du geste en préhistoire. Colloque européen, sous la direction de B. Roussel et P.-J. Texier, C. Dumas, Ed. Musée des Baux, Maison Cazenave, pp. 40-42.

La publication du racourcissement de deux petits Charonia, par 2 autres méthodes est prévue et sera mise en ligne ici.

Dailymotion : aérophone 

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commentaires

J
<br /> Tes tritons sont splendideeeeees!que penses tu des miens?<br /> <br /> <br />
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