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26 décembre 2009 6 26 /12 /décembre /2009 09:07

PRESENTATION DU TROISIEME ENSEMBLE EXPERIMENTAL

D’ELEMENTS DE PARURE PREHISTORIQUES

 

 

Paulette PAUC *

 

Résumé

 

Les éléments de parure réalisés expérimentalement à partir de données archéologiques, géologiques et naturalistes se composent de bivalves, de gastéropodes et de scaphopodes sub-fossiles du Quaternaire moyen et actuels, de pendeloques à ailettes en calcaire ainsi que de noyaux de Prunus spinosa. Ils ont été enfilés sur un lien de suspension en lin compatible avec la période Chalcolithique. Cet ensemble porté quotidiennement montre les altérations de natures diverses. Ces nouveaux résultats pourront être comparés avec des parures préhistoriques présentant  différents types d’usure.

 

*Recherches et Développement Culturel en Corbières - 11220 Coustouge (F).

Centre de Recherche en Préhistoire et Protohistoire Méditerranéenne - UMR 5608 TRACES - AXE 3 : Les sociétés du Néolithique et du début des Ages des métaux - EHESS – Toulouse (F)

 

INTRODUCTION

 

Le troisième collier expérimental (fig. 1) est composé de 74 éléments dont les catégories sont réparties dans le désordre. Cet assemblage est notamment constitué de coquillages marins sub-fossiles prélevés dans le paléorivage Eutyrrhénien : une période chaude du Quaternaire moyen qui est située, au maximum de son élévation marine en Méditerranée, autour de -129 000 ans b.p. (Ambert et al. 1993).

Ce niveau coquillier permet de collecter de nombreuses espèces et variétés qui ont vécu dans un milieu à fond sableux ou sur un substrat rocheux. Actuellement, on les trouve dans les dépôts d’anciennes plages, dans l’Aude, entre 3 et 6 mètres d’altitude. L’espèce dominante est le Cerastoderma glaucum, qui a pour nom vernaculaire « Coque glauque », appelée indûment Cardium d’où le surnom de « plage à Cardium ». L’on recueille très couramment des coquilles de Cerithium vulgatum, Hexaplex trunculus, Monodonta turbinata et Nassa reticulata, à différents niveaux de conservation. Les gisements audois ne possédant pas les coquilles de Columbella rustica et Conus mediterraneus parmi les fossiles, j’ai dû collecter ces gastéropodes sur une plage actuelle de la côte rocheuse des Pyrénées-Orientales. Les tubes de Dentalium sp. lisses et à côtes, les coquilles de Trivia monacha, ainsi qu’un fragment de coquille d’Acanthocardia tuberculata roulé par l’action marine viennent d’une plage actuelle.

J’ai ajouté des noyaux de Prunus spinosa, fruits du Prunellier sauvage, et des pendeloques à ailettes façonnées à partir de gravillons de marbre.

Le lien de suspension a été réalisé à partir de filasse de lin du commerce. Cette fibre brute est destinée à colmater les joints en plomberie. La matière n’a pas subi une énorme transformation. Il suffit de prélever la quantité de fils nécessaire pour faire une cordelette à deux brins du diamètre et de la longueur voulus.

 

1/ LES COQUILLAGES SUB-FOSSILES

 

Cerastoderma glaucum : Une valve a été perforée au sommet par abrasion sur une meule-polissoir en grès. L’orifice a été agrandi avec une pointe en silex pour obtenir une lumière régulière et une bordure nette. Quinze rondelles d’enfilage de différents diamètres ont été réalisées avec des fragments de valves de diverses épaisseurs à partir des études archéologiques (Pauc 1997, 2000 ; Pauc et al.  2004).

Hexaplex trunculus : Sur les six exemplaires, l’un a été cassé par l’action marine et ne conservait qu’une partie de la dernière spire et l’ouverture naturelle intacte puis un autre était un spécimen juvénile au test très fin.

Cerithium sp. : Sur les cinq coquilles, une était roulée et une autre était trouée à l’opposé de l’ouverture, sur la partie en relief de la dernière spire, par l’action marine.

Monodonta turbinata : Sur les quatre exemplaires l’un d’entre eux était cassé par l’action marine et ne conservait que la dernière spire éventrée avec son ouverture naturelle.

Nassa sp. : Sur les quatre coquilles, deux avait perdu leurs toutes premières spires et une autre n’était représenté que par la dernière spire largement endommagée, par l’action marine, à l’opposé de l’ouverture naturelle.

 

2 / LES COQUILLAGES ACTUELS

 

Columbella rustica : Sur les 6 exemplaires, deux spécimens on subi des ouvertures provoquées par l’action marine. L’une n’étant qu’un petit trou dans la paroi de la dernière spire et l’autre une importante fracture de la dernière spire. Deux autres spécimens, cassés jusqu’à l’avant dernier tour de spire, par l’action marine, ont fait l’objet d’une perforation de la columelle avec une pointe en silex afin de faciliter le passage du lien dans le sens vertical.

Conus mediterraneus : Les 6 exemplaires ont subi une usure de l’apex par l’action marine qui a ainsi créé une ouverture sommitale. L’un d’entre eux a été fracturé de part et d’autre de l’ouverture naturelle en perdant une partie de sa dernière spire et les enroulements de la columelle sauf celui qui se trouvait au sommet. La bordure des cassures est lisse.

Dentalium sp. : Les 6 tronçons de coquilles lisses et à côte sont directement utilisables.

Trivia monacha : Sur les 4 spécimens l’un d’eux a subi une perforation par l’action marine.

 

Les gastéropodes, sub-fossiles ou actuels, qui n’ont pas subi de dommage par l’action marine, ont été perforés en pratiquant une abrasion localisée, de la structure externe, généralement à l’opposé de leur ouverture naturelle, avant de trouer le test, de la structure interne, avec une pointe en silex. Cette manière d’opérer en deux temps est obligatoire si l’on veut obtenir un orifice similaire aux éléments archéologiques. A l’échelle microscopique, la coquille montre une couche fibreuse externe ornementée et une couche entrecroisée interne uniforme, en section transversale. Suivant l’épaisseur du test et son degré d’usure superficielle, la pointe en silex ne pourra traverser directement la paroi.

 

3/ LES PENDELOQUES A AILETTES

Trois types de pendeloques à ailettes sont issues d’une série réalisée dans le cadre d’une expérimentation déjà publiée (Pauc et al. 2005, Pauc 2006).

 

4/ LES NOYAUX DE PRUNELLES

L’arbuste Prunus spinosa produit des prunelles dont les noyaux ont servi a faire des perles au Néolithique (Schlichtherle 1988). La matière périssable ne s’est conservée qu’en contexte lacustre, à l’abri de l’oxygène. Les onze perles ont été obtenues en abrasant les flancs pour amincir l’épaisseur de la coque avant de les trouer avec une pointe en silex.

 

5/ LA CORDELETTE

Le lien de suspension a été réalisé en lin car cette plante est bien représentée au Chalcolithique. L’analyse des fibres d’un vêtement atteste son emploi (Ayala 1987).

 J’ai confectionné la cordelette selon la méthode de Jacques Reinhard (Reinhard 1997). Les deux brins ont composé une cordelette dont la formule est S-2 – Z. Ce moyen a permis d’avoir un lien de la grosseur et de la longueur souhaitées. Certains raccords de fibres sont plus volumineux que le diamètre courant.  La ficelle est de 0,72 mm minimum à 0,96 mm au niveau de quelques raccords. Le diamètre maximum laisse largement passer les éléments de parure aux plus petits orifices. Une fois les éléments de parure enfilés, j’ai limité la longueur du collier à 60 cm en laissant pendre une longueur excédentaire de ficelle de 5 cm et 31 cm de part et d’autre du nœud. Cet excédent pourra servir à réparer le lien de suspension en cas de rupture à l’usure. Les éléments de parure occupent 48 cm de la longueur du lien. Les 12 cm de ficelle restant se positionnent sur l’arrière du cou directement en contact avec la peau.

 

6/ RESULTATS DU PORT PROLONGE

Le port prolongé durant un mois montre différentes usures de la cordelette. La longueur, directement en contact avec la peau, présente une très légère rupture des fibres superficielles au milieu des torsions. Au niveau des premières parures de petite taille de type Conus, dentales, et pendeloques à ailettes, la rupture des fibres superficielles est plus notable : les fibres cassées se dressent de part et d’autre de chaque torsion. Les coquillages suivants, sub-fossiles, ont davantage encore sectionné les fibres superficielles qui restent touffues et ébouriffées de part et d’autre des torsions (fig. 2). Cet aspect de détérioration de fibres est apparut dans l’orifice d’une perle en cuivre (Rouquerol 2004). Cela amincit le profil des torsions qui sont devenues allongées. En suivant, les quelques coquillages actuels qui ne coulissent guère n’ont occasionné que très peu de ruptures des fibres superficielles (fig. 3). Sur la dernière grande ligne essentiellement ornée de coquillages subfossiles, on retrouve une rupture assez importante des fibres superficielles et des torsions au profil étiré.

Parmi les éléments de parure, on note un poli localisé sur les faces des rondelles d’enfilage qui se traduit par des luisances sur les reliefs. Les gastéropodes accusent des usures localisées autour de l’ouverture naturelle en contact avec le lien de suspension. Cette légère abrasion superficielle fait apparaître la couleur blanche et brillante sous la surface du test dépigmenté qui est beige à blanchâtre (fig. 4). De manière générale, on ne note pas d’usure caractéristique sur les coquillages actuels, sauf sur la Columbella rustica très dégradée au niveau de la dernière spire par l’action marine. Le lien de suspension a formé une petite encoche sur la bordure de la paroi. Les noyaux de Prunus offrent un poli très brillant au niveau des surfaces abrasées autour des orifices. 

 

CONCLUSION

Le but de cette nouvelle expérimentation visait à obtenir quelques résultats. Ces derniers n’étant pas définitifs, le collier continuera à être porté jusqu’à la rupture du lien de suspension et sa réparation. Les futurs résultats feront l’objet d’une publication ultérieure.

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Ambert P., André J., Boutié P., Leroy S., de Lumley H. (1993) :Corbières littorales, complexe scientifique de Tautavel. Livret guide de l'excursion 1993 en Languedoc de l'association française pour l'étude du Quaternaire, Aix-en-Provence, Études de Géographie physique, Suppl. au n° XXII, p. 59-65.

 

Ayala Juan M. M. (1987) : Enterramientos calcolíticos de la Sierra de la Tercia. Lorca. Murcia. Estudio preliminar, Ayala Juan M. M. (dir.), Anales de Prehistoria y Arqueología, 3, Secretario de Publicaciones - Universidad de Murcia, p. 9-24.

 

Pauc P. (1997) : Reproduction de perles circulaires réalisées en test de Cerastoderma edule, Journées d'Archéologie Expérimentale du Parc de Beynac (Dordogne, F.) 1996-1997, Ch. Chevillot (dir.), Bilan n° 1, p. 7-66, 124 fig.

 

Pauc P.(2000) : Activité de fabrication protohistorique de parures en coquillages marins. Bulletin de la Société d'Études Scientifiques de l'Aude, t. CC, p. 23-28, 3 fig.

 

Pauc P. (2006) : Conception expérimentale de la pendeloque à ailettes globulaires à partir d’une typologie évolutive. Hommes et Passé des Causses, Colloque de Millau 2005 Hommage à Georges Costantini, Textes réunis par Jean Gascó, François Leyge et Philippe Gruat. Centre d’Anthropologie – Millau,  Archives d’Ecologie Préhistorique Toulouse, p. 315-321.

 

Pauc P., avec la collaboration de Bohic D., Fauré Ph. (2004) : Brève typologie de l'outillage lithique inhérent à la fabrication de parures protohistoriques en coquillages et les sources de matières. Bulletin de la Société d'Études Scientifiques de l'Aude, t. CIV, p. 69-76.

 

Pauc P., Moinat P., Reinhard J. (2005) : Description de la fabrication expérimentale du grain d’enfilage en akène de Lithospermum de type 2 et de la pendeloque à ailettes globulaires. R. Tichy (SEA) & R. Paardekooper (EXARC) directeurs, euroREA 2, Society for Experimental Archaeology Hradec Králové, Czech Republic and EXARC, p. 40-54

 

Rouquerol N. (2004) : Du Néolithique à l'Age du bronze dans les Pyrénées centrales française. Archives d'Ecologie Préhistorique n°16, Toulouse, 191p.

 

Schlichtherle H. (1988) : Neolithische Schmuckperlen aus Samen und Fruchtsteinen    in : Hansjörg Küster ed. Der prähistorische Mensch und seins Umwelt : Festschrift für Udelgard Körber-Grohne zum 65. Geburtstag / Landesdenkmalamt Baden Württemberg. Forschungen und Berichte zur Vor-und Frühgeschichte in Baden-Württemberg, 31, Stuttgart, p. 199-203.

 

 

Figure 1 : Collier expérimental

Figure 2 : Usure du lien au stade 4

Figure 3 : Usure du lien au stade 2

Figure 4 : Localisation de la surface blanche autour de l’orifice naturel

Réference biblio :

PAUC P. 2009 :

Présentation du troisième ensemble expérimental de parure préhistorique. Langage de pierre, La restitution du geste en préhistoire, Colloque européen, sous la direction de B. Roussel, P-J Texier, C. Dumas, Ed Musée des Baux, Maison Cazenave, pp. 36-39.


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